Lorsque le fonctionnement de ce gène a été rétabli dans les cellules des mélanomes, leur croissance a été bloquée, ce qui a provoqué leur mort
P armi les centaines de gènes qui peuvent être mutés dans un seul cas de mélanome, il y en a peu qui peuvent être de véritables ‘meneurs’ de cancers. Dans une recherche récemment publiée dans la revue Nature Genetics, un groupe de l’Institut Weizmann a mis au jour l’un des facteurs d’un sous-ensemble particulièrement meurtrier de mélanomes, qui montre encore une progression dans des cas nouveaux. Ce gène est un membre récemment identifié d’un groupe qu’on appelle ‘gènes suppresseurs de tumeurs’, qui est muté dans environ 5,4% des mélanomes. De plus, on a découvert que son expression se perd dans plus de 30% des mélanomes humains, et cette découverte montre aussi que sa perte est associée à une diminution de la survie des patients. Cette découverte pourrait ouvrir de nouvelles possibilités permettant de comprendre la croissance de ces cancers et leur prolifération, et menant, à l’avenir, à la découverte de traitements pour cette maladie.
La professeure Yardena Samuels et son groupe du département de Biologie moléculaire de la cellule se sont particulièrement intéressés aux gènes suppresseurs de tumeurs se trouvant dans leur base de données, qui consistent en plus de cinq cents génomes et exomes de mélanomes – des séquences constructrices de protéines – qui forment le plus important fichier actuel de données sur les mélanomes. Comme le suggère leur nom, normalement les gènes suppresseurs de tumeurs inhibent la croissance des cellules, y compris celle des cellules cancéreuses. Mais lorsque ces cellules sont mutées, elles agissent sur la prolifération cellulaire comme des freins défectueux. L’étude de ces gènes joue donc un rôle très important dans la biologie du cancer. La docteure Nouar Qutob, postdoctorante dans le laboratoire de la professeure Samuels, explique : « Il est urgent de pouvoir identifier les altérations qui peuvent être ciblées dans un mélanome. Comprendre à fond les effets fonctionnels des mutations dans ces gènes est le premier pas pour arriver à comprendre le mécanisme à la base de la croissance des mélanomes. »
Les séquences du génome du mélanome contenaient effectivement des mutations dans des gènes suppresseurs de tumeurs connus, mais de plus, il y avait un nouveau gène qui a sauté aux yeux des chercheurs de ce groupe : le RASA2. L’étape suivante a été de mener une série d’expériences fonctionnelles pour comprendre exactement ce que fait ce gène. Les scientifiques ont cloné la protéine normale, ainsi que les versions mutées les plus récurrentes, dans le but de voir l’effet obtenu sur les cellules des mélanomes. Ils ont vu que RASA2 régule RAS, une protéine clé dans la cellule. RAS a été identifié comme un oncogène important qui contribue à une croissance non maîtrisée de cellules. Lorsqu’ils ont rétabli la production de la protéine dans les cellules de mélanomes qui hébergent les mutations de RASA2, la croissance des cellules s’est arrêtée, et elles ont fini par mourir.
Les patients ayant des voies RAS dysfonctionnelles ont généralement un pronostic plus défavorable que ceux qui ont d’autres types de mélanomes, et jusqu’à présent les chercheurs n’ont pas réussi à mettre au point des médicaments capables de cibler cette voie. La professeure Samuels dit la chose suivante : « Du fait que dans le cancer la voie de RAS est fortement dérégulée, la découverte d’un mécanisme alternatif pour l’activer est susceptible de stimuler une avalanche de nouvelles recherches dans ce domaine, et on peut imaginer que celles-ci auront une pertinence clinique directe. Nous avons l’intention de mettre l’accent sur RASA2 afin de trouver avec quelles protéines il communique dans les cellules saines et dans le mélanome, ainsi que dans la réaction cellulaire aux traitements ciblés. »
Rand Arafeh, doctorante dans le laboratoire de la docteure Samuels, et premier auteur de cet article, explique : « A l’heure actuelle, la plupart des thérapies ciblées contre le cancer agissent en inhibant les produits d’oncogènes qui sont hyperactifs dans les cellules du mélanome. Cependant la perte ou les mutations de gènes suppresseurs de tumeurs comme RASA2 contribuent aussi au développe
ment du mélanome, et pour cette raison notre prochain objectif sera la découverte et l’étude des cibles et des partenaires de RASA2. »
La recherche de la professeure Yardena Samuels est financée par : Ekard Institute for Diagnosis, qu’elle dirige ; Henry Chanoch Krenter Institute for Biomedical Imaging and Genomics ; le laboratoire au nom de M.E.H. Fund established by Margot and Ernst Hamburger ; Louis and Fannie Tolz Collaborative
Research Project ; Dukler Fund for Cancer Research ; European Research Council ; De Benedetti Foundation- Cherasco 1547 ; Peter and Patricia Gruber Awards ; Comisaroff Family Trust ; Rising Tide Foundation ; Sharon Zuckerman (Canada) ; Charles Rothschild (Brésil) ; la succession d’Alice Schwarz-Gardos ; la succession deJohn Hunter ; la succession d’Adrian Finer. La professeure Samuels est titulaire de la Knell Family Professorial Chair.
Des souris auxquelles manquent certaines cellules immunitaires prennent du surpoids, même en observant un régime normal
Nous avons tendance à penser que le système immunitaire nous préserve des bactéries, des virus et d’autres envahisseurs étrangers, mais en fait, ce système a encore d’autres rôles surprenants. Des chercheurs de l’Institut Weizmann viennent d’identifier un petit sous-type de cellules immunitaires qui sembles capables d’empêcher un syndrome métabolique : obésité, haute pression sanguine, et hauts niveaux de sucre et de cholestérol dans le sang.
Des recherches précédentes ont déjà montré que le système immunitaire joue un rôle dans l’obésité, mais elles ont été menées sur des souris délibérément soumises à un régime riche en matières grasses. Or la nouvelle recherche faite à l’Institut Weizmann, et récemment publiée dans la revue Immunity, a porté sur des souris soumises à un régime normal. Elle a montré que des mécanismes immunologiques peuvent jouer un rôle dans l’obésité et dans d’autres composants de syndrome métabolique sans qu’il y ait aucune connexion avec la graisse alimentaire.
Au départ, cette recherche s’est intéressée aux cellules dendritiques qui servent de sentinelles du système immunitaire, chargées d’alerter d’autres mécanismes immunitaires face à différents dangers. L’accent a été mis sur un sous-type rare de cellules dendritiques contenant une protéine tueuse, la perforine, qui leur permet d’éliminer d’autres cellules sur demande. Pour déceler le fonctionnement de ces cellules dans le corps, les chercheurs, sous la direction du professeur Yair Reisner du département d’Immunologie, ont produit des souris desquelles sont absentes les cellules dendritiques riches en perforine. Les chercheurs ont eu la surprise de découvrir que ces souris ont pris du surpoids et ont ensuite développé des symptômes de syndrome métabolique.
En continuant leur recherche sur les souris, les chercheurs ont découvert que leur tissu gras avait des niveaux anormalement élevés de cellules T immunitaires provoquant des inflammations. Après que ces cellules ont été ôtées du tissu gras des souris auxquelles manquaient les cellules dendritiques riches en perforine, elles ne sont pas devenues obèses. Ces résultats suggèrent que les cellules dendritiques riches en perforine régulent les niveaux de certaines cellules T, et il semble qu’en maîtrisant ces cellules T, on peut empêcher le syndrome métabolique.
Non seulement cette recherche offret-elle de nouvelles perspectives concernant le syndrome métabolique, mais elle pourrait de plus jeter une lumière sur l’auto-immunité : les souris auxquelles manquent les cellules dendritiques riches en perforine semblent être plus prédisposées qu’auparavant à développer une maladie auto-immune correspondant à la sclérose en plaque chez les humains. Il reste maintenant à chercher si ces cellules régulatrices manquent aux patients souffrant de maladies autoimmunes.
Cette étude a été menée par des membres du groupe du professeur Reisner, en collaboration avec des collègues de l’Institut Weizmann, tous du département d’Immunologie : docteure Yael Zlotnikov-Klionski, Bar Nathansohn-Levi, docteur Elias Shezen, docteure Chava Rosen, docteure Sivan Kagan, docteure Liat Bar-On, professeur Steffen Jung, docteur Eric Shifrut, docteure Shlomit Reich-Zeliger, docteur Nir Friedman, docteure Rina Aharoni, professeure Ruth Arnon, Oren Yifa et docteure Anna Aronovich.
La recherche du professeur Yair Reisner est financée par : Leona M. and Harry B. Helmsley Charitable Trust ; Steven and Beverly Rubenstein Charitable Foundation; Roberto and Renata Ruhman (Brésil). Le professeur Reisner est titulaire de la Henry H. Drake Professorial Chair of Immunology.
Pourquoi les plantes doivent-elles utiliser une méthode apparemment inefficace pour régulariser la production d’amidon
Il est difficile d’admettre qu’on puisse conduire une voiture tout en pressant à la fois sur l’accélérateur et sur les freins, et pourtant des chercheurs de l’Institut Weizmann ont découvert que c’est exactement ce que certaines plantes font pour accomplir leur tâche la plus importante.
Un groupe de recherche sous la direction du professeur Avihai Danon, du département des Sciences du végétal et de l’environnement, comportant le docteur Erez Eliyahu (postdoctorant) et les doctorants Ido Rog et Inbal Dangoor, ont étudié les mécanismes utilisés par les plantes pour la production d’amidon, l’hydrate de carbone le plus courant dans l’alimentation humaine. Les plantes commencent à produire l’amidon dès que la lumière matinale active la photosynthèse, et elles s’arrêtent lorsque celle-ci s’interrompt à la tombée de la nuit.
Il y a environ cinquante ans, des chercheurs ont découvert ‘l’interrupteur’ utilisé pour mettre en route la production de l’amidon : une enzyme de démarrage, activée par le flux d’électrons généré par la photosynthèse grâce à une série de protéines régulatrices. Des chercheurs de l’Institut ont découvert l’interrupteur (off switch) servant à bloquer la production de l’amidon. En travaillant sur une plante ressemblant à la moutarde, l’Arabidopsis, ils ont déterminé la chaîne d’événements biochimiques permettant d’arrêter son fonctionnement à la tombée de la nuit. La diminution de lumière fait qu’une petite protéine de signalisation, ACTH4, perd des électrons et s’oxyde, suite à quoi elle transmet rapidement le message stoppant l’enzyme productrice d’amidon.
Les scientifiques ont ensuite compris que ce mécanisme reste actif à un faible niveau durant la journée. C’est comme si la plante actionnait sa production d’amidon en pressant simultanément sur la pédale de l’accélérateur et sur celle du frein : elle active la production tout en continuant à en garder le contrôle. Lorsque les chercheurs ont génétiquement modifié les plantes pour éliminer les ‘freins’, la production de l’amidon a augmenté de presque 20%. Ceci suggère qu’en général l’efficacité de la produc tion ne dépasse pas 80% environ, car la pédale du frein fonctionne sans interruption. A l’avenir, cette recherche pourrait permettre d’augmenter la production de l’amidon dans les cultures agricoles.
Pourquoi les plantes produisent-elles naturellement l’amidon d’une manière qui semble superflue ?
Du fait que l’intensité de la lumière, et avec elle le taux de photosynthèse, varient souvent très rapidement pendant la journée, les plantes ont besoin d’adapter continuellement leur métabolisme. En particulier, il faut que la synthèse de l’amidon soit en harmonie complète avec la photosynthèse afin que les composés, créés par des réactions de photosynthèse, soient rapidement pris en charge, sinon les molécules réactives d’oxygène (les radicaux libres), générées comme un sous-produit de la photo- synthèse, peuvent s’accumuler avec excès, et causer des dégâts aux plantes.
Le fait de presser simultanément sur l’accélérateur et sur le frein permet aux plantes de gérer rapidement et efficacement leur production d’amidon, en réglant l’intensité relative de l’un et de l’autre. Presser légèrement sur le frein sans interruption permet d’avoir toujours la possibilité de freiner plus fortement si la lumière du soleil s’intensifie de manière inattendue. Garder un pied sur les freins fait donc partie de cet ensemble de mécanismes de surveillance qui a aidé les plantes à survivre pendant plusieurs centaines de millions d’années.