Une polythérapie nouvelle et prometteuse pour lutter contre une forme particulièrement agressive du cancer du sein a été envisagée par des chercheurs de l’Institut Weizmann – voilà ce qui a récemment été publié dans un article de la revue Cancer Research. Cette stratégie thérapeutique à action double peut non seulement inhiber la croissance et la survie de la tumeur, mais de plus elle contourne le problème de la résistance aux médicaments.
Le cancer triple négatif du sein est plus difficile à traiter que tous les autres types de cancers du sein parce que, comme son nom le suggère, il lui manque trois récepteurs qui servent généralement de cibles aux médicaments anti-cancéreux. Les possibilités de traitements sont donc limitées aux chimiothérapies habituelles qui, dans la plupart des cas, se révèlent inefficaces.
Dans leurs recherches, la professeure Sima Lev, et les post-doctorantes – les docteures Nandini Verma et Anna-Katharina Müller – du département de Biologie moléculaire de la cellule, et leurs collègues, ont identifié un sous-ensemble de patientes atteintes du cancer triple négatif du sein, dont les échantillons de tissus expriment des niveaux plus élevés de deux molécules spécifiques : EGFR et PYK2. La première, EGFR, est un récepteur de surface cellulaire qui est impliqué dans un certain nombre de cancers lorsqu’il est surexprimé suite à des mutations. Quant à PYK2, il s’agit d’une molécule robuste, précédemment découverte par la professeure Sima Lev, et qui joue un rôle clé dans la métastase du cancer du sein.
Les chercheurs ont trouvé que chez les modèles animaux, inhiber l’une de ces molécules provoque une légère réduction de la tumeur, mais que l’inhibition des deux molécules ensemble provoque un effet thérapeutique beaucoup plus puissant, qui a pour résultat une diminution sensible de la taille de la tumeur.
Une recherche plus approfondie a permis à la professeure Lev et à son groupe d’identifier avec précision les trajectoires moléculaires et les interactions de protéines dans lesquelles l’implication de EGFR et de PYK2 provoque une croissance de la tumeur et sa survie. Les résultats semblent expliquer l’effet puissant obtenu lorsqu’elles sont inhibées ensemble. Ce qui est encore plus remarquable, c’est que le groupe a découvert qu’une inhibition de PYK2 peut non seulement provoquer une synergie avec les inhibiteurs de EGFR, mais qu’elle pourrait aussi permettre d’esquiver le problème de la résistance aux antagonistes de EGFR.
Les chercheurs sont d’avis que la raison pour laquelle inhiber EGFR seul ne permettrait pas de gagner un important bénéfice clinique, est que les cellules ont tendance à compenser l’absence d’EGFR par l’augmentation des niveaux d’une molécule réceptrice, HER3, associée à une résistance du médicament à la thérapie de EGFR. Les chercheurs ont découvert que le fait d’inhiber la deuxième molécule, PYK2, non seulement freine la croissance du cancer et la métastase, mais de plus elle met en mouvement une chaîne supplémentaire d’événements qui finissent par provoquer la dégradation de HER3. Aider à se débarrasser des cellules de HER3 permet à la thérapie EGFR de travailler avec une plus grande efficacité.
La professeure Sima Lev explique: « Nous sommes d’avis que cette thérapie combinée – ciblage de EGFR avec PYK2 – est une approche prometteuse, qui pourrait permettre de soigner efficacement un sous-ensemble de patientes atteintes du cancer triple négatif du sein, qui sera plus efficace que d’autres combinaisons actuellement testées, grâce à sa capacité à entraver la croissance de la tumeur et sa survie, et à empêcher la résistance aux médicaments. »
Environ un cinquième de tous les cancers du sein sont ‘triples négatifs’, ce qui signifie que plus de 300.000 femmes dans le monde reçoivent chaque années ce diagnostic.
La recherche de la professeure Sima Lev est financée par le Benoziyo Fund for the Advancement of Science; Miriam and Luis Stillmann Laboratory ; Dr. Dvora and Haim Teitelbaum Endowment Fund ; Steven B. Rubenstein Research Fund for Leukemia and Other Blood Disorders ; Foundation Adelis ; Rising Tide Foundation; Lord David Alliance, CBE; et David E. and Sheri Stone, Coral Gables (Floride). La professeure Lev est titulaire de la Joyce and Ben B. Eisenberg Professorial Chair of Molecular Endocrinology and Cancer Research.
Voici une bonne raison pour ne pas peler les tomates : une nouvelle méthode, développée à l’Institut Weizmann des Sciences, a permis d’identifier, dans la peau des tomates, des antioxydants qui sont bons pour la santé. De fait, comme récemment publié dans la revue Nature Communications, la nouvelle méthode montre que des substances végétales biologiquement actives, généralement associées à certaines espèces de plantes considérées excellentes pour la santé, sont beaucoup plus fréquentes dans le règne végétal qu’on le pensait jusqu’à présent.
Les plantes produisent au total une quantité de produits chimiques organiques différents, estimée à plus d’un million, et on considère que chaque plante en contient en moyenne environ 15.000. Pour répondre au défi d’identifier la majorité de ces ‘métabolites spécialisés’ dans toutes les plantes, le docteur Nir Shahaf, et d’autres membres d’un groupe dirigé par le professeur Asaph Aharoni, du département des Sciences du végétal et de l’environnement, ont mis au point une banque de données de métabolites des plantes, qu’ils ont appelée WeizMass. Le docteur Nir Shahaf a ensuite développé un outil informatique, MatchWeiz, qui offre la possibilité d’identifier les métabolites par comparaison des résultats expérimentaux avec les données qui se trouvent déjà dans la banque.
L’utilisation de ces nouveaux outils a permis aux chercheurs d’identifier plus de vingt métabolites qui, jusqu’à présent, n’avaient jamais été signalés dans les tomates, y compris différents antioxydants se trouvant dans la pelure. Lorsque les chercheurs ont ensuite comparé les analyses des tomates avec celles des lentilles d’eau et celles du modèle de recherches, Arabidopsis thaliana, ils ont découvert que les mêmes substances sont contenues aussi dans ces autres espèces bien qu’elles soient très différentes.
Ces résultats, et d’autres encore, suggèrent que les espèces de plantes ne sont pas aussi spécialisées dans leur métabolisme qu’on le supposait jusqu’à présent. En d’autres termes, des substances importantes, produites par des plantes exotiques, pourraient être dérivées d’espèces plus courantes. Le groupe de l’Institut Weizmann a découvert, par exemple, qu’aussi bien la lentille d’eau que la Arabidopsis thaliana contiennent (bien qu’en petites quantités) des métabolites utilisés dans la médecine traditionnelle qui étaient, jusqu’à présent, isolée uniquement de plantes médicinales orientales comme l’arbre aux quarante écus (Ginkgo biloba), le gingembre (Zingiber officinale), et l’Orostachys japonicus.
Le professeur Asaph Aharoni explique : « WeizMass et MatchWeiz peuvent servir d’outils extrêmement puissants pour l’étude du métabolisme des plantes et pour l’identification des métabolites ayant une activités biologique utile, y compris leur usage possible comme médicaments. »
WeizMass et MatchWeiz ne sont pas limités à l’étude des métabolites des plantes, et ils pourraient aussi être utilisés pour mener des recherches sur la biologie d’autres systèmes vivants, parmi lesquels le métabolisme de l’animal et de l’homme. Le groupe de recherche comprend: les associés de recherche docteurs Ilana Rogachev et Sergey Malitsky, la technicienne de laboratoire, docteure Sagit Meir, les post-doctorants Uwe Heinig et Shuning Zheng, et les étudiants Maor Battat et Hilary Wyner, ainsi que le docteur Ron Wehrens, de l’université de Wageningen (Hollande).
La recherche du docteur Asaph Aharoni est financée par : Tom and Sondra Rykoff Family Foundation; Leona M. and Harry B. Helmsley Charitable Trust ; Lerner Family Plant Science Research Fund ; Yossie and Dana Hollander, Israël. Le professeur Aharoni est récipiendaire du prix André Deloro ; il est aussi titulaire de la chaire Peter J. Cohn.
Certaines créatures marines se recouvrent de coquilles et d’épines dures (une carapace calcaire appelée ‘test’), alors que les vertébrés construisent les squelettes à partir de ces mêmes minéraux. D’où ces animaux obtiennent-ils le calcium nécessaire pour construire ces structures minérales si solides ? La professeure Lia Addadi et le professeur Steve Weiner, du département de Biologie structurale de l’Institut Weizmann des Sciences, ont posé cette question à propos des oursins qui doivent extraire de l’eau de mer un certain nombre d’ions de calcium pour construire leurs tests. La réponse a été une surprise pour eux, et elle pourrait avoir une influence sur la manière qu’ont les scientifiques de concevoir le processus de biominéralisation.
Il y a quelques années, la professeure Lia Addadi et le professeur Steve Weiner ont découvert que les oursins fabriquent les tests à l’aide de minuscules paquets de matière ‘inorganisée’ qui, laissée sur place, se durcit jusqu’à devenir du cristal.
La professeure Addadi explique : « La question a donc fait un pas en arrière : comment savoir ce qui se passe à un stade précédent ? C’està- dire comment obtenir les ions de calcium nécessaires pour produire cette matière ? Le professeur Weiner ajoute : « Le calcium libre (= ionisé) n’abonde pas dans l’eau de mer, et ils ont donc besoin de trouver un moyen efficace d’extraire et de concentrer les ions. »
Pour répondre à cette question, les chercheurs, parmi lesquels Netta Vidavsky, ont eu besoin de méthodes permettant d’observer les cellules des animaux ‘as is’, c’est-à-dire telles qu’elles sont dans la nature, y compris dans l’eau. Dans ce but, le groupe s’est adressé au docteur Andreas Schertel, de la Carl Zeiss Microscopy, en Allemagne, et au docteur Sefi Addadi, de la Life Sciences Core Facilities de l’Institut Weizmann. De nouvelles techniques de pointe leur ont permis d’observer des tranches minces de cellules dans les embryons d’oursins, et de reconstruire ensuite des images tridimensionnelles de ces cellules et suivre leur consommation d’ions calcium labellisés. La professeure Addadi ajoute : « Il y a encore quelques années, nous n’aurions pas pu mener cette recherche par manque de moyens techniques appropriés.’
Les images ont montré que les cellules larvaires des oursins ‘boivent’ réellement l’eau de mer, absorbant des gouttes d’eau, et faisant une manipulation des ions dans l’eau se trouvant à l’intérieur de la cellule. Ceci contraste avec la théorie selon laquelle ces cellules prennent seulement les ions, un à la fois, au moyen de canaux spéciaux dans leurs membranes externes. Les cellules qu’ils ont observées étaient remplies de réseaux de bulles qu’on appelle ‘vacuoles’, qui rassemblent les ions de calcium, créant visiblement des paquets de calcium concentrés qui servent à construire les tests.
Cette méthode semble utiliser l’énergie de manière plus efficace qu’en absorbant des ions à travers des canaux (ce que les cellules font aussi), mais ceci présente un autre problème : les cellules doivent à la fois être capables de sélectionner le calcium, et en même temps d’expulser d’autres ions dans l’eau de mer, en particulier le sodium et le chlorure.
Le professeur Weiner explique : « Les chercheurs peuvent être occupés pendant des années à tenter de comprendre comment ces cellules manipulent les ions dans l’eau de mer qu’elles boivent. »
Les professeurs Addadi et Weiner font remarquer que ce n’est pas la première fois que ce genre de consommation d’ions de calcium a été observé. Il y a une dizaine d’années, le professeur Jonathan Erez de l’Université hébraïque de Jérusalem a décrit ce phénomène chez des microorganismes unicellulaires à carapace dure, les foraminifera. A l’époque, cela a été considéré comme une ‘curiosité’, mais le fait de trouver la même procédure chez deux créatures différentes suggère que cela pourrait être un phénomène assez répandu. Bien que nous ne vivions pas dans l’eau de mer, il se peut que même les cellules qui construisent nos os utilisent une méthode semblable pour obtenir le calcium.
La recherche de la professeure Lia Addadi est financée par: Jeanne and Joseph Nissim Foundation for Life Sciences Research. La professeure Lia Addadi est titulaire de la Doroty and Patrick Gorman Professorial Chair.
La recherche du professeur Stephen Weiner est financée par : Helen and Martin Kimmel Center for Archaeological Science, qu’il dirige ; Dangoor Accelerator Massachusetts Spectrometer Laboratory ; et la succession de George et Beatrice F. Schwartzman. Le professeur Weiner est titulaire de la chaire Dr. Walter and Dr. Trude Borchardt de Biologie structurale.