On sait que les changements provoqués par l’homme dans l’environnement sont responsables du blanchiment des coraux, et aussi de leurs maladies et de leur stérilité. La disparition des récifs coralliens pierreux qui se trouvent dans le monde entier (on estime qu’ils arriveront à 30 % dans les 30 années à venir) sera le signe de la disparition des services qu’ils rendent à l’humanité, parmi lesquels l’élimination de 70 à 90 millions de tonnes de carbone chaque année, et l’entretien de l’énorme biodiversité marine. Malgré de grands progrès, on est encore loin de comprendre les causes et les processus de la disparition des coraux. Des chercheurs de l’Institut Weizmann ont développé une nouvelle plateforme expérimentale pour l’étude de la biologie du corail à des résolutions de micro-échelle, ce qui offre déjà de nouvelles perceptions de ce problème complexe.
Les animaux minuscules (souvent d’un diamètre inférieur à un millimètre) qui forment la structure des récifs coralliens créent une fine couche de tissu vivant qui entoure le squelette à base de calcium. Ces animaux vivent en symbiose avec des algues photosynthétiques unicellulaires, qui leur fournissent des nutriments et de l’oxygène en échange de gaz carbonique et d’un abri. Voici ce qu’explique le docteur Assaf Vardi : « Pour comprendre ce qui se passe durant le blanchiment, lorsque cette symbiose est rompue, il faut comprendre ce qui arrive à ces organismes dans des conditions diverses, aux niveaux cellulaire
moléculaire. »
Le docteur Vardi et son groupe – Orr Shapiro, Esti Kramarsky-Winter, et Assaf R. Gavish, du département des Sciences du végétal et de l’environnement de l’Institut Weizmann, en collaboration avec Roman Stocker de MIT (en ce moment à ETH, à Zürich) – ont créé un système qu’ils ont appelé ‘corail sur puce’. Pour la première fois, les chercheurs ont réussi à examiner en laboratoire les polypes vivants de corail, dans des conditions rigoureusement contrôlées. Ce système se base sur une technologie microfluidique qui a été développée pour suivre des processus cellulaires dans des conditions similaires à la réalité. Vardi et son groupe ont pris un petit morceau de corail, et l’ont soumis à des conditions stressantes (dans ce cas, en augmentant la quantité de sel) qui ont fait que le corail a libéré des polypes, processus quelquefois appelé ‘sauvetage du polype’ (en anglais : polyp bail-out). En déposant les polypes sauvés (bailed-out polyps) dans des puits microfluidiques préfabriqués, les chercheurs ont pu observer en temps réel, sous microscope, comment les colonies de coraux miniatures (appelées ‘micropropagates’) grandissent et se comportent dans différentes conditions.
En utilisant ce système, le groupe a enregistré pour la première fois la croissance de cristaux d’aragonite – les blocs de base de la construction du squelette de corail. Le groupe a aussi réussi à visualiser directement le début de la maladie du corail, attirant l’attention sur une voie d’infection très peu connue. En soumettant les micropropagates du corail à de fortes intensités de lumière, méthode connue pour induire le blanchiment du corail, le groupe a réussi à suivre – une cellule à la fois – l’élimination des algues symbiotiques.
Le groupe du laboratoire du docteur Vardi travaille déjà sur l’adaptation du système ‘corail sur puce’ pour suivre les cycles de nutriment et de carbone des récifs coralliens, et approfondir ainsi la connaissance des processus de maladie et de blanchiment. Le docteur Vardi explique : « Un grand nombre de coraux sont en danger, et il est très important de comprendre comment nos actions ont des incidences sur leur survie, et aussi sur la nôtre. Notre méthode peut aider les chercheurs à étudier un grand nombre de choses, à commencer par les gènes des coraux qui ont une influence sur leur capacité de survivre, jusqu’aux stratégies utilisées par les coraux pour construire les récifs, et aux effets qu’ils ont sur les cycles du carbone marin. » Effectivement, comme les coraux représentent une première étape dans l’évolution des organismes multicellulaires, le docteur Vardi prévoit que la plateforme ‘corail sur puce’ pourra servir à faire des micropropagates de corail un nouveau système modèle pour la recherche.
La recherche du docteur Assaf Vardi est financée par : Benoziyo Fund for the Advancement of Science ; Angel Faivovich Foundation for Ecological Research ; Rothschild Caesarea Foundation ; Dana and Yossie Hollander, Israël ; Roberto and Renata Ruhman, Brésil ; Selmo Nissenbaum, Brésil ; Brazil-Israël Energy Fund ; Mord Sieff of Brimpton Memorial Fund ; European Research Council ; Estate of Samuel and Alwyn J. Weber; Germaine Hope Brennan Charitable Foundation. Le docteur Vardi est titulaire de la Edith and Nathan Goldenberg Career Development Chair.
Un protocole né à la suite d’une recherche de l’Institut Weizmann a mené à l’approbation de la US Food and Drug Administration (agence américaine des denrées alimentaires et des médicaments) pour un nouveau médicament biologique pour le traitement d’une certaine forme de cancer des poumons. C’est le troisième médicament contre les cancers développé sur la base de recherches menées à l’Institut Weizmann par le professeur Michael Sela, avec ses collègues du département d’Immunologie.
Ces trois médicaments sont des anticorps qui bloquent un récepteur se trouvant à la surface de cellules, le ‘epidermal growth factor receptor’ (EGFR) qui joue un rôle dans la formation et la propagation des tumeurs cancéreuses. Combiné avec la chimiothérapie ou avec les radiations, le blocage de l’EGFR peut empêcher la croissance du cancer. Le professeur Sela et ses collègues, la docteure Esther Aboud-Pirak et la docteure Esther Hurwitz, ont découvert, il y a quelques années, que les anticorps qui inhibent l’EGFR produisent un effet synergétique anticancéreux lorsqu’il est utilisé avec une chimiothérapie.
Selon Amir Naiberg, directeur général de Yeda Research and Development Company, chargé de la commercialisation des résultats de recherches de l’Institut Weizmann, ceci est un grand succès du transfert de technologie, et il explique : « Un seul brevet a mené à trois accords de licences et à trois thérapies différentes pour des maladies diverses. »
Le nouveau médicament, Portrazza (necitumumab), fabriqué par Eli Lilly & Company, sera administré par injections intraveineuses, combinées avec les médicaments de chimiothérapie pour le traitement du carcinome du cancer épidermoïde du poumon non à petites cellules. Il y a peu d’options de traitements pour ce type de cancer connu pour être difficile à traiter. Dans une phase III de test clinique, lorsque le Portrazza a été administré en même temps que d’autres médicaments, il a amélioré la survie des patients atteints de cette maladie.
Le premier médicament qui a résulté de cette recherche effectuée par le professeur Sela et ses collègues a été Erbitux, fabriqué par Merck et Eli Lilly. En fait, Erbitux bloque EGFR, et a été approuvé dans de nombreux pays pour être utilisé en étant combiné avec une chimiothérapie ou avec une radiothérapie pour le traitement de certaines formes de carcinome de la tête et du cou, et du cancer colorectal métastatique.
Le deuxième médicament basé sur cette recherche est Vectibix, fabriqué par Amgen. Celui-ci bloque EGFR, et il est approuvé pour le traitement du cancer colorectal métastatique. Il est généralement utilisé en combinaison avec une chimiothérapie, et parfois seul, lorsque la chimiothérapie a échoué.
Les trois inhibiteurs d’EGFR sont administrés aux patients dont les cancers ont certaines caractéristiques génétiques, et ils sauvent la vie de centaines de milliers de personnes atteintes de cancer dans le monde entier.
Aurons-nous un jour la possibilité de comprendre la cacophonie que font les 80 millions de neurones dans notre cerveau ? Le docteur Ofer Yizhar et son groupe du département de Neurologie de l’Institut Weizmann ont fait un grand pas dans cette direction : ils ont en effet utilisé une nouvelle méthode de recherche qui peut donner aux chercheurs une maîtrise ciblée de certaines parties essentielles des communications qui se font dans le cerveau.
Le docteur Yizhar travaille dans un domaine relativement nouveau : l’optogénétique. Dans ce domaine, les chercheurs utilisent l’ingénierie génétique et un éclairage laser en fibres optiques extrêmement fines pour étudier le cerveau vivant. Avec ces outils, les scientifiques peuvent moduler et contrôler les activités des circuits nerveux dans le cerveau, et ainsi commencer à découvrir les réseaux de liens et de nœuds dans les systèmes de communications du cerveau.
Le docteur Yizhar est intéressé en particulier par les communications sur longue distance entre les cellules nerveuses dans différentes zones du cerveau. Il explique : « La coordination des différents systèmes du cerveau est essentielle pour le fonctionnement normal du cerveau. Si nous pouvons comprendre les lignes étendues de la communication entre les cellules se trouvant dans les différentes régions du cerveau – certaines très éloignées les unes des autres – nous devrons réussir, à l’avenir, à comprendre les changements qui se font dans le cerveau lorsqu’il est atteint de maladies telles que la dépression, l’anxiété et la schizophrénie. Du fait que nous ne comprenons pas ces maladies au niveau fonctionnel, nous sommes malheureusement incapables de trouver de bons moyens de les soigner. »
L’optogénétique permet de rendre des neurones sensibles à la lumière : on obtient cela en utilisant un virus modifié pour insérer le gène d’une protéine sensible à la lumière dans le neurone afin de le rendre sensible à la lumière. Ces neurones sont activés lorsque la lumière se dirige sur eux à travers des fibres optiques très fines. Le docteur Yizhar et son groupe ont mis au point une méthode qui leur permet de diriger la lumière sur un endroit particulier du cerveau : les ‘câbles de communications’ qui relient l’ensemble du cerveau. Ces ‘câbles’ sont les axones, c’est-à-dire de fines extensions des cellules nerveuses qui transportent les impulsions électriques provenant du centre des cellules. Une partie des axones sont relativement courts et reliés aux neurones proches, mais d’autres peuvent être très longs, et atteindre des régions éloignées du cerveau.
Dans cette nouvelle recherche, publiée dans la revue Nature Neuroscience, le groupe, sous la direction du doctorant Mathias Mahn, a montré que les techniques optogénétiques peuvent être utilisées pour faire taire pendant un certain temps la communication entre ces axones très longs, et donc permettant une ‘déconne- xion’ réversible de deux nœuds du cerveau éloignés l’un de l’autre. En observant ce qui se passe lorsque des connexions essentielles sont rompues, les chercheurs ont réussi petit à petit à comprendre le rôle des axones dans la conversation intérieure du cerveau. Du fait que les maladies mentales et neurologiques sont souvent considérées comme étant le résultat de changements dans la connectivité à longue distance du cerveau, ces recherches pourraient aider à mieux comprendre les mécanismes desquels dépendent la santé et la maladie dans le cerveau.
Le docteur Yizhar explique : « La recherche nous amène à une compréhension plus approfondie des propriétés remarquables des axones et des synapses qui forment les connexions entre les neurones. Nous avons réussi à découvrir les réactions des axones à différentes manipulations optogénétiques. Comprendre ces différences sera très important pour démonter les mécanismes des communications à longue distance dans le cerveau. ❙
La recherche du docteur Ofer Yizhar est financée par : Grodetsky Center for Higher Brain Functions ; Henry Chanoch Krenter Institute for Biomedical Imaging and Genomics ; Adelis Foundation ; Carolito Stiftung ; Iby and Aladar Fleischman Foundation ; Candice Appleton Family Trust ; Minna-JamesHeineman Stiftung ; Corinne S. Koshland Equipment Endowment Fund ; European Research Council ; Lord Sieff of Brimpton Memorial Fund ; Irving Bieber, M.D. and Toby Bieber, M.D. Memorial Research Fund ; Irving B. Harris Fund for New Directions in Brain Research ; Joseph D. Shane Fund for Neurosciences ; Paul and Lucie Schwartz, Georges and Vera Gersen Laboratory. Le docteur Yizhar est titulaire de la Gertrude and Philip Nollman Career Development Chair.
L’heure des repas peut jouer un rôle aussi important que leur contenu. Une nouvelle recherche menée à l’Institut Weizmann et en Allemagne, récemment publiée dans les Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS), suggère que les mitochondries, ‘centrales électriques’ des cellules, sont régulées par les horloges circadiennes (rythmes biologiques du corps). Ceci pourrait expliquer pourquoi les personnes qui mangent et dorment sans se soucier de leur rythme circadien courent le risque de développer l’obésité, le diabète et le syndrome métabolique.
Le docteur Gad Asher, du département de Sciences biomoléculaires de l’Institut Weizmann, qui a dirigé cette recherche, explique que les horloges circadiennes qui se trouvent dans tout ce qui est vivant, des bactéries aux mouches et aux humains, contrôlent le rythme de notre sommeil, de notre activité, de notre alimentation et de notre métabolisme. Le docteur Asher ajoute : « D’une certain manière, c’est comme un calendrier journalier qui indique au corps ce dont il a besoin afin qu’il puisse se préparer à ce qui va venir et agir pour le mieux. »
La docteure Adi Neufeld-Cohen, du groupe du docteur Asher, en collaboration avec la docteure Maria S. Nobles et le professeur Matthias Mann de l’institut Max Planck de Biochimie, en Allemagne, a examiné les changements du rythme circadien dans les mitochondries qui, en créant des hausses et des baisses dans les niveaux d’énergie des cellules, pourraient aussi aider à réguler leurs cycles jour– nuit. Le groupe a identifié et quantifié des centaines de protéines de mitochondries, pour découvrir qu’une énorme quantité de ces protéines, pouvant aller jusqu’à 40%, fait un pic une fois par jour. Une recherche plus approfondie a identifié les protéines responsables du rythme mitochondrial circadien qui régule ces activités. De manière surprenante, la plupart des protéines circadiennes dans les mitochondries ont un pic de quatre heures au début des heures de lumière du cycle (chez les souris, actives pendant la nuit).
Parmi les protéines essentielles que les chercheurs ont découvertes, il y a une enzyme indispensable qui détermine le taux de sucre nécessaire à la production d’énergie. Cette protéine atteint son niveau maximum au bout de quatre heures, lorsque la lumière du jour apparaît, ce qui suggère que c’est à peu près à cette heure que la capacité des mitochondries pour brûler le sucre atteint aussi son maximum. Pour vérifier cela, les chercheurs ont ‘donné’ du sucre aux mitochondries et ont découvert qu’aux environs de la quatrième heure, la respiration et l’utilisation du glucose avaient effectivement atteint leur maximum. Ils ont aussi découvert que la protéine responsable de la pénétration des acides gras dans les mitochondries arrive à son maximum seulement à la dix-huitième heure, et de nouveau les tests ont montré que le traitement de la graisse était optimal à ce moment-là.
Chez les souris ayant une mutation génétique qui intervient dans l’ensemble de leurs horloges biologiques, le total de ces protéines n’a pas varié au cours de la journée, et l’activité de décomposition des graisses et des sucres est restée stationnaire.
Le docteur Asher explique : « Ces résultats soutiennent des découvertes précédentes faites dans notre laboratoire, dans lesquelles nous avons montré que si les souris mangent seulement durant la nuit, quand elles sont actives, plutôt qu’au cours du jour et de la nuit, elles mangent la même quantité de calories, mais les niveaux de lipides de leur foie seront de 50% plus bas. En d’autres termes, le résultat dépend non seulement de ce qu’on mange, mais aussi de l’heure à laquelle on mange. Si nous étions capables d’être plus conscients des horaires de nos activités cellulaires, nous pourrions réussir à tirer avantage de différents nutriments de manière plus saine. »